Coup de gueule
Il est des films comme ça, qui ne laisse pas indifférent… Ou du moins, qui ne me laisse pas indifférente. Hier soir, nous avons regardé « Blood Diamond ». Je ne sais pas trop pourquoi, mais ça m’a donné envie d’écrire, ou plutôt de crier. Mais comme personne ne m’entendra crier (à part quelques pauvres voisins…), je me suis dit qu’il serait plus utile d’écrire. Ecrire ma révolte, mon dégoût, mon incompréhension devant des situations de conflit qui n’en finissent pas, qui s’éternisent… alimentées par un commerce souterrain fait d’armes, de diamants, de drogue… Quel impact ce film aura-t-il pu avoir sur les américains, et surtout sur les américaines, pour qui avoir un énorme diamant accroché au doigt est un signe de reconnaissance sociale et, qui sait, d’amour… (entre parenthèses, faites-vous offrir autre chose qu’un diamant pour votre mariage mesdames…).
Quand j’étais adolescente, je voulais sauver le monde, sans doute comme beaucoup d’ados. J’ai voulu être journaliste pour dénoncer, faire de l’humanitaire pour aider, et puis j’ai fini par faire des stages dans le développement et dans le développement durable. En travaillant sur la Colombie, j’ai commencé à avoir envie de secouer ce bas-monde plein de stupidité, d’avidité et de pourriture(s). Encore plusieurs années après, la situation de la Colombie, entre drogue et guérilla sans fin, me laisse sans voix. Sans voix car je vois mal l’issue… Ceux qui connaissent la situation comprendront sans doute mon désarroi. Pour les autres, c’est par là. J’en profite pour rendre hommage à Ingrid Betancourt et à tous ceux qui sont toujours prisonniers de la guérilla colombienne. Sans compter les centaines de milliers de colombiens déplacés… La situation au Sierra Leone était tout aussi complexe, de même que dans beaucoup de pays d’Afrique, continent dont on pille les richesses au prix de la vie des populations locales.
Tout ça pour quoi ? Alimenter un système qui fait vomir. Alimenter une économie souterraine qui laisse exsangues les plus fragiles pour donner aux plus riches ce dont ils n’ont pas besoin. Le monde est absurde, absurde d’une façon surréaliste. Que faire ? Les cinéastes font des films, les humanitaires font ce qu’ils peuvent sur le terrain, et nous, nous donnons à Médecins du Monde ou à l’UNICEF. Mais est-ce suffisant ? Quand le monde vous révolte, comment transformer cette révolte en quelque chose de positif, de constructif ? Ecrire ? Pourquoi pas ? C’est un bon début, sans doute.
Hier soir, en levant la tête de l’écran, je me suis dit qu’être chargée de mission développement durable, c’était bien, mais ça ne sauvait la vie de personne… sauf à très long terme… j’espère. Je me demande à quoi peut bien servir ce que je fais pour tous ceux qui, enfants-soldats ou esclaves modernes, luttent pour survivre chaque jour. Je dois me résoudre à ne pas sauver le monde… Mais je me dis que chacun, à son échelle, doit néanmoins pouvoir contribuer à ne pas laisser pourrir la situation géopolitique, humanitaire et environnementale mondiale.
Nous sommes citoyens, nous avons donc notre mot à dire. Nous
sommes consommateurs, nous pouvons faire le choix de nos achats. Alors oui, nous
pouvons renoncer au diamant qui tue, ou au chocolat qui tue… Vous ne saviez pas
que le chocolat tue ?? Quand j’étais à Sciences Po, en cours d’anglais, on
nous a demandé de visionner un reportage sur la production du cacao en Afrique.
J’ai appris, avec effroi, que pour travailler dans certaines plantations, des
enfants étaient kidnappés dans leur village pour faire de la main d’œuvre
gratuite. L’esclavage moderne, sous mes yeux… A la fin, un enfant disait ne pas
savoir quel goût pouvait avoir le chocolat. Et d’ajouter : « they eat my flesh »… A
posteriori, cela me paraît tellement surréaliste… Mais cette phrase est restée
gravée dans mon cerveau, avec le regard de cet enfant. Depuis, j’ai décidé
d’opter pour du chocolat issu du commerce équitable… Dans le même ordre d'idée, je vous recommande aussi Le cauchemard de Darwin.
Je sais bien que je n’ai pas l’habitude d’écrire ce genre de billet… Mais c’était le coup de gueule du mois… Une espèce de trop plein qui donne la nausée et qui requiert un exutoire.
A part ça, la vie est belle, quand même... Si je ne croyais pas un peu en l’Homme, je ne serais plus là depuis longtemps. Naïveté ou optimisme, je crois que la nature humaine est faite d’un peu de tout et que chacun peut donner le meilleur…
Bon week-end à tous !